Le Prêt Garanti par l’Etat (PGE) – Quels risques pour les entreprises ?

24/05/20

Elément essentiel du soutien du système économique. Le prêt garanti par l'Etat (PGE) devra être strictement utilisé pour ce à quoi il est destiné, sous peine de créer des déséquilibres.

Le PGE est un dispositif de soutien mis en place dans le cadre de la crise COVID-19.

C’est une réponse inédite à une situation exceptionnelle inédite.

Les entreprises se sont tournées massivement vers ce dispositif.

Certaines d’entre elles par nécessité, d’autres par anticipation sur un besoin identifié prévisible, d’autres encore par précaution.

La difficulté des entreprises et de leurs dirigeants sera d’utiliser le PGE en cohérence avec ce pourquoi il a été mis en œuvre, c’est-à-dire le financement du cycle d’exploitation de l’entreprise à activité constante.

Le PGE, rappelons-le, doit servir à financer le cycle d’exploitation des entreprises afin de leur permettre de payer leurs charges courantes à un moment où leur activité a soit cessé, soit a été très largement réduite à cause de la période COVID-19 que nous traversons et des mesures de confinement qui ont été mises en place pour garantir notre sécurité au plan sanitaire.

Il est un élément essentiel du soutien du système économique et doit permettre aux entreprises de payer leurs semblables, en d’autres termes et en particulier les fournisseurs avec lesquels ils travaillent.

Si les fournisseurs des entreprises sont payés, alors ces entreprises (les fournisseurs)  paieront à leur tour leurs propres fournisseurs et l’activité économique pourra être facilitée et préservée.

Le PGE n’est toutefois pas « gratuit », il ne s’agit pas d’un « cadeau » de l’Etat ou des banques aux entreprises mais d’un prêt remboursable.

Les conditions du prêt sont effectivement spécifiques avec l’absence de garantie donnée par l’entreprise donc par le dirigeant, l’absence possible d’assurance, un différé d’amortissement de 12 mois, un choix sur la durée de remboursement après 12 mois entre 12 et 60 mois, et enfin des commissions et  taux d’intérêts jamais connues jusqu’ici et particulièrement favorables.

Respecter la règle financière de base

Il n’en demeure pas moins qu’il faudra aux entreprises rembourser les sommes concernées.

Le risque majeur est de ne pas utiliser le PGE strictement pour ce à quoi il est destiné mais, de manière volontaire ou non, de l’utiliser à d’autres fins et ainsi de créer des déséquilibres.

Citons en premier lieu le financement d’investissements nouveaux : l’entreprise investit en matériel, réalise des travaux, crée un fonds de commerce,  ou mieux encore rachète un fonds de commerce ou des parts d’une société dans le cadre d’une opération de croissance externe.

La durée de remboursement du PGE est comprise entre 12 et 60 mois, le choix est fait avant le terme de la première période de 12 mois pendant laquelle aucun remboursement n’intervient.

L’acquisition d’un fonds de commerce, le financement de travaux, de matériels et autres fonds de commerce ou parts de sociétés répondent à des logiques spécifiques de financements.

La règle financière de base qui garantit les équilibres financiers des entreprises, est celle d’emprunter sur une durée correspondant à la durée d’utilisation ou d’amortissement du bien.

Ces durées peuvent être courtes pour le matériel (entre 3 et 5 ans en moyenne suivant leur nature), elles sont plus longes en matière de fonds de commerce et de rachats de titres (7 à 10 ans) ou pour la réalisation de travaux et aménagements (8 à 10 ans).

Nous le voyons bien,  l’excédent éventuel  de trésorerie disponible du PGE pour financer un investissement dont la durée d’amortissement normale dépasse la durée de remboursement fixée de ce même PGE conduit l’entreprise à se pénaliser en trésorerie.

Le montant remboursé est supérieur au montant qu’elle aurait eu à rembourser si elle avait souscrit un financement  dans des conditions classiques et l’équilibre durée de remboursement égale à durée d’amortissement de l’investissement n’est pas respecté fragilisant d’autant l’entreprise au fil des remboursements du PGE.

Gare au déficit structurel

Citons en deuxième lieu le risque de masquer un temps la réalité des difficultés de l’entreprise .

L’entreprise parvient avec le PGE à poursuivre son activité même si elle se trouve dans une situation structurellement déficitaire.

La situation de déficit conjoncturel liée à l’épisode COVID-19 ne doit pas se transformer en déficit structurel. Si la situation perdure l’entreprise n’aura pas les moyens de rembourser le PGE et se trouvera inéluctablement en état de cessation des paiements.

Citons en dernier lieu une tentation possible du dirigeant pour s’accorder des conditions de revenus ou de dividendes sans rapport avec les performances de l’entreprise au motif que pour l’entreprise la crise serait derrière elle.

Chacun le sait mais il nous faut ici le rappeler, le cash du PGE doit permettre à l’entreprise de fonctionner et de financer sereinement son cycle d’exploitation à activité constante.

Il ne doit pas permettre aux dirigeants, aux associés ou actionnaires d’augmenter leurs niveaux de revenus ou de dividendes.

La performance de l’entreprise est le seul moteur qui doit rémunérer dirigeants, associés et actionnaires.

Ouvrons enfin le débat sur l’après pour les établissements financiers.

Les entreprises avec le PGE ont considérablement augmenté leur ratio d’endettement. Les capacités d’emprunts demain en seront clairement impactées.

Cette situation de fait, malgré toutes les  bonnes volontés, peut être un frein au développement de l’économie de demain.

Philippe CHABOT

Expert comptable – Commissaire aux comptes.

Dirigeant associé AP2C

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